apprendre dans un monde complexe et chaotique

Traduit par Christian Renard

This is a translation of learning in complexity & chaos

La plupart de nos structures de travail sont aujourd’hui conçues pour faire face à des situations compliquées, telles que la construction d’un bâtiment, le lancement d’une campagne ou la conception d’un équipement. Mais, aujourd’hui, nous devons faire face à des problèmes complexes qui ne peuvent pas être résolus de manière standardisée — inégalités, réfugiés, populisme, racisme. Chaque fois que quelqu’un est impliqué dans le contexte mondial de changement climatique, la situation est probablement complexe.

Dans les situations complexes, on s’appuie moins sur des plans et des analyses détaillés et davantage sur une expérimentation continue, associée à une observation et à un suivi attentifs. Nous allons désormais devoir apprendre constamment dans la complexité.

Complexité & Chaos

Selon le ‘cadre’ Cynefin, quand nous sommes confrontés à la complexité, nous devrions Sonder> Ressentir> Répondre, par opposition à Analyser> Donner du Sens> Répondre lorsque la situation est compliquée. Les systèmes mécaniques sont compliqués, mais les systèmes humains sont complexes. Cela signifie que nous ne pouvons pas sur-planifier, bien que la planification elle-même nous prépare à gérer ce qui émerge lorsque nous explorons des situations et des environnements complexes. Dans des conditions compliquées, nous pouvons nous fier aux bonnes pratiques établies, mais dans des situations complexes, nous devons développer en permanence nos propres pratiques émergentes.

Dans Chaos: mode d’emploi, Bruno Marion conclut que le monde d’aujourd’hui n’est pas seulement complexe, il est même chaotique:

« Jamais dans l’histoire de l’humanité un seul être humain n’a eu autant de pouvoir. Jamais dans l’histoire de l’humanité, TU n’as eu autant de pouvoir! Optimiste ou pessimiste, c’est comme être spectateur d’un film dont il semble que nous connaissions la fin, heureuse ou malheureuse. Aujourd’hui, il faut cesser d’être un spectateur passif mais un acteur dans ce monde en pleine mutation. »

Deux événements politiques récents indiquent que nous devons non seulement nous organiser pour faire face à la complexité, mais également que nous devons être résilients au chaos. Lorsque le New York Times a publié un article important rédigé par un auteur anonyme, ce fut un moment décisif dans l’histoire du journalisme. Jamais auparavant ce journal prestigieux n’avait permis un éditorial anonyme. Le Times a donné la raison de ce geste sans précédent.

« The Times est en train de prendre une décision rare: publier un éditorial anonyme. Nous l’avons fait à la demande de l’auteur, un haut responsable de l’administration Trump dont l’identité est connue de nous et dont la divulgation risquerait de compromettre le travail. Nous pensons que publier cet essai de manière anonyme est le seul moyen de fournir une perspective importante à nos lecteurs. »—NYT 2018-09-05

Peu de temps après, Bob Woodward, auteur de Fear: Trump in the White House, a qualifié de chaotique la situation politique aux États-Unis en 2018. Peut-être que le New York Times traitait du chaos du point de vue du cadre Cynefin.

(Pour rappel: dans une situation complexe, vous devez Sonder> Ressentir> Répondre et développer des pratiques émergentes Mais dans le chaos, vous devez Agir> Ressentir> Répondre et développer de nouvelles pratiques.)

Cet éditorial anonyme était définitivement une approche novatrice. Alors que beaucoup de nos professions et organisations peuvent faire face à la complexité, peu sont adaptées pour faire face au chaos à grande échelle. Promouvoir le chaos ou en tirer parti – comme le décrit Naomi Klein dans The Shock Doctrine — permet de déséquilibrer durablement ses adversaires. Alors que de plus en plus de gouvernements populistes — décrits succinctement comme basés sur un autoritarisme xénophobe – déploient leur pouvoir, nous pouvons voir davantage de ces nouvelles pratiques basées sur le chaos. En ce qui concerne les institutions qui protègent notre démocratie, la résilience au chaos et l’utilisation de nouvelles approches en matière de gouvernance sont maintenant nécessaires. Cela demandera beaucoup plus de souplesse et de créativité.

Comment les démocraties et leurs citoyens peuvent-elles se préparer au chaos probable? Ne pas comprendre le domaine dans lequel nous travaillons / vivons — Compliqué, Complexe, Chaotique – peut mener au désordre. Nous avons besoin des bonnes approches pour la situation. Nous devons développer de meilleurs moyens de gérer la complexité et le chaos — la nouvelle normalité politique.

Créativité

Dans la complexité, la coopération l’emporte sur la collaboration. Collaborer signifie travailler ensemble pour atteindre un objectif commun autour d’un plan ou d’une structure. La coopération consiste à partager librement sans attendre de réciprocité directe. La coopération suppose la liberté des individus de s’associer et de participer. Les équipes de travail sont collaboratives. Les communautés de pratique sont coopératives. Le partage sur les médias sociaux est généralement coopératif — à moins que vous ne soyez dans le marketing. La coopération est également un moteur de créativité car elle permet des liens plus nombreux et variés avec les gens et avec les idées. La coopération est un comportement fondamental pour travailler efficacement dans des réseaux, et c’est dans des réseaux que la plupart d’entre nous travaillerons à l’ère numérique.

On ne peut pas dicter aux personnes faisant partie de réseaux de connaissances ce qu’elles doivent faire, elles ne se laissent influencer que par leurs pairs sur la base de leur réputation. Si les gens ne vous aiment pas, ils ne se connecteront pas. Dans une hiérarchie, il vous suffit de faire plaisir à votre patron. Dans un réseau distribué, vous devez être perçu comme ayant une valeur, bien que différente, par beaucoup d’autres.

La coopération, ce n’est pas la même chose que la collaboration, bien qu’elles soient complémentaires. Les équipes, les groupes et les marchés collaborent. Les réseaux sociaux et les communautés de pratique coopèrent généralement. Travailler en coopération nécessite un état d’esprit différent de celui de simplement collaborer à un projet défini. Cela demande de la curiosité.

Bien que tous les niveaux de complexité existent dans notre monde, de plus en plus de nos travaux traitent de problèmes complexes réels, dans lesquels la relation de cause à effet ne peut être perçue que de manière rétrospective, qu’elle soit sociale, technologique ou économique. Les environnements et problèmes complexes sont mieux traités lorsque nous nous organisons en réseaux, travaillons au développement continu de pratiques émergentes et coopérons pour faire avancer nos aspirations.

Mais la complexité extrême est proche du chaos et il semble que de plus en plus de situations auxquelles nous sommes confrontés – action politique violente, changement climatique – soient plutôt chaotiques. La complexité et le chaos nous obligent à nous structurer autour de la curiosité et de la résolution des problèmes, comme l’a fait Apple avec son approche de la conception. Nous devons construire des structures organisationnelles encore plus flexibles. Les environnements en réseaux démocratiques qui développent en permanence des pratiques émergentes par le biais d’une coopération à l’échelle du système ne suffisent pas. Face aux événements chaotiques fréquents, nous devons également organiser des hiérarchies temporaires négociées, capables de se former et de se reformer rapidement afin de tester de nouvelles pratiques. Pour ce faire, il faut faire preuve de créativité à l’échelle du système.

« Les humains ont la capacité de gérer certaines choses très complexes, mais trop souvent, nos barrières culturelles et organisationnelles nous empêchent d’utiliser ces capacités innées. Avec le chaos croissant, la créativité devient encore plus importante. «L’essence du génie est que c’est une qualité inadaptée. Les marginaux ne s’intègrent pas bien dans les chaînes de montage institutionnalisées. » —Professeur Jeffrey Sonnenfeld

Les auteurs de The Age of Discovery comparent notre époque à la Renaissance européenne des XIVe au XVIIe siècles. La Renaissance a apporté de nouvelles découvertes merveilleuses – universités, astronomie, imprimerie – ainsi que de nouveaux défis – la vérole, la guerre, l’esclavage de masse. Notre époque apporte des découvertes similaires – nanomatériaux, thérapie génique, intelligence artificielle – et de nouvelles menaces – Ebola, extrémisme, changement climatique. Aujourd’hui, nous avons désespérément besoin d’une réflexion diversifiée.

« Cherchez la différence. Le but n’est pas simplement de visiter différents endroits et de lire des choses différentes; c’est accumuler de nouvelles perspectives. Nous pouvons penser que nous le faisons déjà, mais le plus souvent nous ne le faisons pas, pas vraiment. Nous visitons de nouveaux espaces, mais apprenons-nous à les voir avec des yeux locaux? Si chaque voyage d’affaires suit le même scénario – aéroport-taxi-hôtel-bureau-souvenirs- café-taxi-aéroport – la réponse est non. Nous devons rechercher cequi est différent. En période d’extrême complexité, la curiosité est la clé du progrès individuel et en tant que société. »

Innovation

Les auteurs de Creative Economy Entrepreneurs déclarent que «lorsque vous étudiez des opportunités dans un environnement créatif, vous misez toujours sur les personnes.» L’innovation provient des personnes et non de la technologie. Leurs 25 années d’expérience renforcent la valeur des relations humaines pour favoriser la créativité.

« Avec tant d’informations disponibles et de méthodes d’analyse, l’accès à la connaissance n’est plus un défi. Tout est connecté et ces connexions se produisent instantanément. Le défi de la quatrième révolution industrielle devient l’interprétation, la réflexion et l’innovation. Comment pouvons-nous créer une nouvelle valeur à partir de notre connaissance hyperconnectée? »

Les machines ne pensent pas — les gens, oui. La quatrième révolution industrielle — physique, numérique et biologique -, nécessite comme les trois précédentes un changement dans la manière dont nous concevons l’apprentissage et la soutenons. Ce n’est pas la lecture, l’écriture et l’arithmétique, ni les sciences, l’ingénierie et la médecine.

« À chaque révolution industrielle, il y a eu une révolution de l’apprentissage qui, à l’époque, avait un coût prohibitif. Cependant, le maintien du statu quo dans le passé représentait le coût d’une occasion manquée qui, dans de nombreux cas, était une fortune. »—Jesse Martin

L’innovation radicale provient de réseaux avec de grands trous structurels plus diversifiés. C’est pourquoi nos réseaux sociaux ne peuvent pas non plus être des équipes de travail, mais ils peuvent aussi devenir des chambres d’écho. Les équipes de travail peuvent se concentrer sur l’innovation incrémentale pour améliorer ce qu’elles font déjà. Les communautés de pratique, avec des liens sociaux forts et faibles, deviennent alors un pont sur ce continuum de réseaux, permettant une créativité à la fois individuelle et interactive. Pour assurer la diversité des mentalités, tous les professionnels doivent s’engager dans des activités d’apprentissage en dehors de leurs organisations et de leurs zones de confort culturel, afin d’apporter des idées et des connaissances diverses qui alimenteront la créativité.

L’innovation ne se produit pas dans une boîte de Pétri. Nous devons être connectés aux réseaux sociaux aux frontières floues qui nous renseignent sur les limites de notre connaissance. Nous devons ensuite participer activement aux communautés de pratique afin de développer une compréhension partagée entre nos pairs. Ensuite, nous pouvons vraiment contribuer en tant que membres d’équipes travaillant sur des problèmes complexes. Rien de tout cela ne coûte de l’argent supplémentaire, seulement du temps et de l’attention. Pour voir les frontières de nos connaissances, nous avons besoin de temps pour interagir, converser, réfléchir et expérimenter. Cela peut nous aider à maîtriser la quatrième révolution industrielle. Nous sommes chacun responsable de notre apprentissage. Comme le disent les auteurs de The Age of Discovery, «Ne vous contentez pas de recevoir une éducation. Fabriquez-la”.

La Quête de Sens à l’ère des Machines

Christian Madsbjerg, dans Sensemaking: Le pouvoir des sciences humaines à l’ère de l’algorithme, décrit la création de sens comme une interaction entre humains dans le monde réel.

« La Recherche de Sens est une pratique sage enracinée dans les sciences humaines. On peut penser que la création de sens est l’opposé exact de la pensée algorithmique: elle se situe entièrement dans le concret, alors que la pensée algorithmique existe dans un no man’s land d’informations dépourvues de spécificité. La pensée algorithmique peut aller très loin – traiter des trillions de téraoctets de données par seconde – mais seule la création de sens peut aller plus loin. »

La Recherche de Sens est un travail humain, mais nous devons aussi de plus en plus comprendre et travailler avec des machines.

« La connectivité croissante continue d’accélérer la disruption numérique et plus de tâches que jamais peuvent être réalisées à n’importe quel endroit de la planète. Entre-temps, l’augmentation des capacités de la machine commence à avoir un impact sur un certain nombre de tâches spécifiques. » —Ross Dawson

Dans le livre Only Humans Need Apply, les auteurs identifient cinq manières de travailler avec des machines. Ils appellent ça — la montée des marches. J’ai ajouté entre parenthèses les compétences qui, à mon avis, sont nécessaires pour chaque adaptation.

1. Step-up: Diriger un monde augmenté par les machines (transdisciplinarité)

2. Step -in: utiliser des machines pour augmenter le travail (apprentissage des nouveaux médias, collaboration virtuelle, gestion de la charge cognitive)

3. Step-aside: faire des travaux pour lesquels les machines ne conviennent pas (intelligence sociale, recherche de sens)

4. Step narrowly: se spécialiser étroitement dans un domaine trop petit pour une augmentation (compétence interculturelle, état d’esprit design)

5. Step-forward: développement de nouveaux systèmes d’augmentation (pensée novatrice et adaptative, pensée informatique)

Donner un sens à des problèmes complexes ne peut pas être fait seul. Compter sur nous-mêmes ou sur un petit groupe d’experts internes en la matière ne suffit plus. Les organisations doivent entretenir des réseaux externes spécialisés. Ces réseaux sont développés via des relations de confiance. Chaque personne doit d’abord être considérée comme un nœud précieux dans leurs réseaux. Cela prend du temps et des efforts. Si vous commencez par donner au réseau, il peut alors renvoyer la faveur – peut-être de manière exponentielle. Aujourd’hui, les capacités de tous les professionnels ont pour limites celles de leurs réseaux et il faut une recherche de sens agile .

« Les environnements complexes représentent un défi permanent pour la création de sens dans les organisations. L’ambiguïté continue exerce des pressions constantes sur les organisations pour qu’elles modifient leurs modes d’interaction, de flux d’informations et de prise de décision. Les organisations ont du mal à faire face aux situations précaires, aux explications équivoques et paradoxales et aux dilemmes cognitifs de toutes sortes. Cela crée une demande d’approches novatrices en matière de création de sens. Puisque l’agilité est nécessaire pour naviguer dans la complexité, nous pouvons appeler ces nouvelles approches «la recherche de sens agile. » —Bonnita Roy

L’apprentissage est la clé pour faire face à nos changements technologiques, environnementaux et sociétaux actuels et futurs. Développer ces nouvelles compétences nécessite un apprentissage assez différent des systèmes de formation et d’éducation existants. Cet apprentissage est informel et requiert une quantité importante de connaissances implicites, ainsi que la création de sens social. La pensée critique, la créativité, la communication et les compétences de collaboration ne sont pas développées en vase clos. Ce sont des compétences sociales permanentes.

Par exemple, la discipline de la Maîtrise des Connaissances Personnelles (PKM) est un cadre unifié de processus construits individuellement facilitant la recherche de sens dans un environnement complexe. Le PKM (Personal Knowledge Mastery) reste à flot dans une mer d’informations alimentée par des réseaux de connaissances et guidée par des communautés de pratique. C’est l’ensemble de compétences numéro un qui aide chacun de nous à comprendre notre monde, à travailler plus efficacement et à contribuer à la société. Le cadre PKM — Chercher> Donner du sens> Partager — permet aux professionnels de devenir des catalyseurs de savoir.

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